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Guillaume Ernika pour Nano Brain Magazine (mai 2015)

NBM : pourquoi cette chanson « Connectés » ?

Gu.Ernika : Déjà, j’ai rien contre toi ! Mais bon, entre le type qui n’est plus capable de fixer un rendez-vous si tu lui file pas ton numéro de portable et ton Facebook et celle qui te parle au téléphone en même temps qu’elle commande un lot de crèmes à tarif réduit sur achetetout.com tout en essayant de reconnecter ses neurones pour oublier de mettre le clignotant et déboîter artistiquement sur la gauche sans s’être donné la peine de jeter un regard dans le rétro, ça commence à être fatiguant ! Mais finalement, je m’en fout ! Les zombis scotchés à leurs écrans ne m’intéressent pas spécialement. A toutes les époques il y a eu des zombis… qu’ils aient le cerveau occupé par les louanges de dieu ou par leur smartphone m’est bien égal. Ca ne me dérange pas d’être un vieux con !

NBM : Ok… Mais qu’est-ce que tu dénonces dans cette chanson ?

Gu.Ernika : Moi ? Je dénonce quelque chose ? C’est pas mon genre ça pourtant ! En fait, à la base il y a ces types, les transhumanistes, qui attendent l’avènement de l’homme augmenté, un type raccordé en permanence à une ribambelle de gadgets électroniques dans le but d’être « mieux » : plus intelligent, plus concentré, plus efficace, plus… surtout plus ! Ca va avec toute cette mode de la performance, de l’efficacité, de l’efficience, etc que l’on retrouve dans le monde des entreprises. Un homme infaillible… pas comme toi… ou moi. Une autre dimension de l’homme augmenté concerne la panoplie de produits pharmaceutiques utilisés uniquement pour être plus performant : neuroleptiques en tous genre, énergisants, stimulant, tonifiants, bonifiant, etc… lénifiant quoi ! Donc aujourd’hui pour être « normal » il faut bouffer du viagra, prendre des antidépresseurs, avaler des boissons énergisantes, prendre de la coke ou des Guronsan, avoir un smart phone toujours allumé et être capable de parler tout en envoyant de SMS et gérer l’essentiel de sa vie sur des réseaux sociaux. Si tu fais pas ça, t’es à la limite un handicapé ! Au final, pour les transhumanistes, l’ultime frontière à dépasser c’est la mort. Cette idée d’homme augmenté trouve son but dans la quête de l’immortalité. Si tu peux uploader ton esprit dans un disque dur afin de le downloader ensuite dans un nouveau corps plus ou moins artificiel c’est gagné ! C’est vrai que mourir pour de vrai c’est pas une vie !

NBM : Et Google ?

Gu.Ernika : Google ? Google, Facebook ou tous les autres peu importe... Ce sont des commerçants et leur unique objectif reste de s’enrichir. Donc oui, ils vont entreprendre toutes sortes de stratégies pour récupérer du fric avec l’information que tu leur laisses. Et s’ils peuvent croiser ce que tu manges, la fréquentation et l’usage de tes toilettes et tes dépenses de santé, ils se disent qu’ils vont pouvoir te vendre plus de céréales pour améliorer ton transit, plus de concerts de Céline Dion, ou plus week end balnéo au Bengladesh. Et s'ils peuvent te greffer une puce Google sous la peau ou dans le cerveau pour te rendre dépendant de leurs réseaux c’est encore mieux… A toi de savoir si les services gratuits qu’ils t’offrent valent le prix des traces que tu laisses chez eux. Et à toi aussi de choisir ce que tu laisses ! Personnellement, j’essaie de fournir le plus possible de fausses informations afin de rendre le profilage inconsistant. Ce débat autour de la vie privée et d’internet est relativement marginal en fait. Faut-il interdire aux commerçants d’utiliser toutes les informations dont ils disposent pour se faire du fric ? Je ne sais pas si il faut réglementer où simplement mieux éduquer les gens à ce monde hyper mercantile… ou bien interdire le commerce ? Concernant les données personnelles, le vrai problème est ailleurs (comme la vérité d’ailleurs).

NBM : Où est le problème?

Gu.Ernika : Je suis d’accord qu’il faut éviter que des ados se retrouvent débordés par des situations qui les dépassent juste parce que leurs « copains » ont décidé de ce venger en publiant sans modération des photos et des ragots sur internet. C’est regrettable, mais ces discussions sans fin sur ces ados qui montrent leurs seins ou leurs exploits alcoolisés sur internet détournent l’attention des vrais dangers : la surveillance généralisée par des services gouvernementaux de moins en moins contrôlés ! Voire par des organismes privés opérants sous contrats avec des services de l’Etat. Et autant jouer au chat et à la souris avec Google pour éviter qu’il se fasse plein de fric avec ton profil représente un enjeu avec lequel l’époque doit apprendre à vivre, autant la surveillance globale par la DGSE, la NSA ou le KGB m’inquiète un peu plus… la dernière loi française sur le sujet constitue une nouvelle avancée du flicage des populations, qui ne fait que progresser depuis des décennies.